Clair de lune by Leopold von Sacher-Masoch

Clair de lune by Leopold von Sacher-Masoch

Auteur:Leopold von Sacher-Masoch [Sacher-Masoch, Leopold von]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 1873-01-01T00:00:00+00:00


Chapitre VI.

À partir de ce jour, reprit-elle, Vladimir revint assez souvent. Pour lui, Olga se faisait simple, modeste, bon enfant ; elle le laissait parler, le questionnait quelque-fois, ne détachait pas de lui ses regards. Sa toilette était toujours d’une simplicité de bon goût : une robe de soie montante, de couleur sombre, avec un petit collet blanc. Ses beaux cheveux, relevés en torsades, encadraient sa tête comme un large diadème. Tandis que les autres briguaient l’honneur de boire dans son soulier, elle comblait Vladimir de petites attentions ; on eût dit qu’elle lui faisait la cour. Une fois il avait fait une sortie contre l’usage des corsets. Le lendemain, Olga se montra dans une ample kazabaïka en velours bleu, garnie de martre. Comme il lui en fit compliment, elle répondit qu’elle ne porterait plus de corset.

— Et pourquoi cela ?

— Mais n’avez-vous pas dit que cela ne nous vaut rien ?

Vladimir comprit enfin qu’elle en voulait à son repos ; il ne s’en montra que plus réservé, évita de se trouver seul avec elle et se lia davantage avec le mari. Un soir, on causait d’une femme de sa société pour laquelle un jeune officier venait de se faire tuer en duel.

— Chez ces coquettes, dit Mihaël, le sentiment de l’honneur n’existe donc pas ?

— Hélas ! repartit Vladimir, l’honneur d’une coquette se juge comme celui d’un conquérant : il dépend du succès. Mais les hommes qui se respectent sont à l’abri de ces femmes, leur pouvoir ne s’étend que sur les sots et les niais, comme les chats qui n’ont pas de gibier plus noble à leur portée attrapent des souris et des mouches. Malheureusement cette race se multiplie, car nos femmes ne savent plus que lire des romans et toucher du piano…

— Vous méprisez les arts ? interrompit Olga.

— Dieu m’en garde ; mais sans travail il n’y a pas de vrai plaisir. Ces artistes qui ont laissé des chefs-d’œuvre ont trempé leur pinceau, leur plume, dans leur sang et leurs larmes. Pour les comprendre, il faut être capable de créer quelque chose soi-même.

— Vous avez raison, dit Olga avec tristesse. Bien des fois le vide de mou cœur m’épouvante.

— Essayez de vous occuper ; vous êtes jeune, le cas n’est pas désespéré.

Elle n’osa affronter son regard.

Des semaines se passèrent. D’épais brouillards enveloppent le château, la neige couvre la plaine, l’étang s’est revêtu d’une couche étincelante de glace ; mais le traîneau n’a pas quitté la remise, et les peaux d’ours hébergent des bataillons de mites. Olga reste couchée sur son divan, elle se creuse la tête pour trouver un moyen de réduire l’ennemi.

Le voir à ses pieds, puis l’écraser de son dédain ? de quel prix ne payerait-elle pas ce suprême bonheur ?

— Tu peux te flatter d’exercer sur ma femme une bonne influence, dit un soir Mihaël à son ami en lui montrant Olga absorbée par sa tapisserie. Elle ne fait que travailler depuis quelque temps.

Vladimir la regarda. — Vous ai-je dit, demanda-t-il d’un ton assez brusque, de vous fatiguer la vue et de vous enfoncer la poitrine ? Voulez-vous bien laisser là ces aiguilles ? » Elle se leva docilement.



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